En ces jours où les parlementaires
sont appelés à se prononcer une fois encore
au sujet d’un projet de loi sur l’immigration,
nous éprouvons l’urgence de faire entendre notre
voix.
« L’Eglise se sent le devoir d’être
proche, comme le bon samaritain, du clandestin et du réfugié,
icône contemporaine du voyageur dépouillé,
roué de coups et abandonné sur le bord de la
route. (1) » Cette parole de Jean-Paul II n’a
rien perdu de son actualité. Elle justifie à
elle seule, par sa référence à l’Evangile,
que les chrétiens refusent par principe de choisir
entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers,
entre citoyens pourvus de papiers et d’autres sans papier.
Quels qu’ils soient, ils sont nos frères et
soeurs en humanité.
Il ne s’agit pas de contester la responsabilité
propre des pouvoirs publics dans la régulation des
flux migratoires, pourvu qu’elle s’exerce en conformité
avec le droit européen et international. Nous apprécions
d’être reçus et écoutés parmi
d’autres par les autorités dans le dialogue démocratique.
Lorsqu’à Pâques 2006, le Ministère
de l’Intérieur a accepté d’entendre
notre point de vue sur le co- développement, comme
volet essentiel du problème migratoire, nous ne nous
doutions pas que le nouveau ministère créé
après les élections comporterait cette mention,
à côté de l’immigration, de l’intégration
et de l’identité nationale.
Mais c’est bien cet horizon-là qui ne s’éclaircit
pas, celui d’une perspective réelle de partenariat
méditerranéen, tel que le Président de
la République l’a annoncé au soir de son
élection. Tant que cette vision solidaire ne sera pas
clairement perçue et mise en oeuvre, les mesures toujours
plus restrictives prises à l’encontre des migrants
apparaîtront comme des concessions à une opinion
dominée par la peur plutôt que par les chances
de la mondialisation.
Le 14 janvier dernier, évoquant « les difficultés
de chaque famille de migrants, les privations, les humiliations,
les restrictions et la fragilité de millions et de
millions de migrants, de déplacés internes et
de réfugiés » (2), le pape Benoît
XVI déclarait : « L’Eglise encourage la
ratification des instruments internationaux légaux
visant à défendre les droits des migrants, des
réfugiés et de leurs familles. » (3) Nous
nous réjouissons que des élus d’appartenances
politiques variées, à l’Assemblée
nationale comme au Sénat, se soient opposés
à l’imposition de tests génétiques
pour vérifier les liens de parenté. Il y aurait
là le risque d’une grave dérive sur le
sens de l’homme et la dignité de la famille.
Nous nous inquiétons cependant des conditions toujours
plus restrictives mises au regroupement familial qui est un
droit toujours à respecter (4).
Il est par ailleurs souhaitable que les immigrés puissent,
en France, être initiés convenablement à
notre langue et notre culture. Il y va à la fois de
leur projet de réussite familiale et de l’harmonie
sociale. Nous saluons les inflexions apportées sur
ce point au projet initial qui, en imposant des règles
trop strictes avant le départ, risquaient de produire
l’inégalité selon les conditions des pays
d’origine. Enfin, nous tenons à souligner l’exigence
de maintenir un délai de recours suffisant pour le
droit d’asile, composante inaliénable de l’héritage
républicain.
† Mgr Olivier de Berranger
Evêque de Saint-Denis
Président de la Commission épiscopale pour la
mission universelle de l’Eglise
† Mgr Claude Schockert
Evêque de Belfort-Montbéliard
Membre de la Commission épiscopale pour la mission
universelle de l’Eglise, en
responsabilité pour la pastorale des migrants
Le 1er Octobre 2007
***
(1) : Message pour la Journée
mondiale du migrant et du réfugié, 15 janvier
1997
(2) : Message pour la Journée mondiale du migrant et
du réfugié, 14 janvier 2007
(3) : Idem
(4) : Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise
n°298
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