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Assemblée plénière,
Conférence des Évêques de France
Lourdes, 4-10 novembre 2000
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Diocèse Taihoae, Iles Marquises (Polynésie française)

L'Église de Te Fenua Enata

Les Marquisiens viennent de vivre le siècle de leur renaissance. Ils ont échappé à la mort et à l'oubli. Les familles ont refleuri avec de nombreux enfants. Pendant quelques décades, les six îles ont formé une grande famille, à travers les mamans qui étaient presque toutes passées par l'internat des sours. Un nouveau peuple marquisien a grandi dans la foi chrétienne, il a cheminé durement juqu'à découvrir ses racines, ses richesses, son identité. Il est devenu Marquisien et retrouve sa fierté. L'Église a été présente et active tout au long de cette renaissance.

À l'aube d'un nouveau siècle, notre Église est portée par une grande espérance.

  • Alors que des jeunes de plus en plus nombreux prennent leurs distances avec l'Église, un grand nombre de chrétiens redécouvrent leur foi et prennent une place active dans l'Église.
  • Alors que le « développement » nous arrive comme une déferlante, l'Église invite à la réflexion et à la vigilance pour que l'argent et le profit n'engloutissent pas les vraies valeurs de l'homme et de la communauté.
  • Alors que la famille souffre et s'inquiète de la séparation précoce de ses enfants et de ses jeunes en raison de la scolarité, l'Église continue de la soutenir dans sa mission éducatrice. -Le départ à Tahiti (1 500 km) de tous les jeunes, à la fin du 1er cycle du secondaire, nous stimule à porter une attention privilégiée à la formation religieuse de ces jeunes.

Pour que notre Église soit vraiment marquisienne, il y a deux grands chantiers à réussir, qui ne peuvent être programmés dans le temps :

  1. La traduction complète de la Bible. Nous avons en main le Nouveau Testament et les Psaumes, très utilisés dans les familles, et aussi tous les lectionnaires liturgiques, fruit du long travail de Mgr Le Cleac'h, ancien évêque de Tefenuaenata.
  2. Des prêtres marquisiens pour le diocèse et l'Église universelle, ainsi que des religieux et religieuses. C'est le désir de beaucoup de parents qui en parlent volontiers à leurs enfants.

Aux îles Marquises, nous bénéficions des satellites de communication et d'internet mais, pour la vie de chaque jour, nous avons davantage besoin de pirogues, de barques de pêche et de goélettes. Nous avançons et nous vivons encore au rythme de la goélette.

+ Monseigneur Guy Chevalier
Évêque de Tefenuaenata

 

Situation

Un des archipels de la Polynésie Française, situé à 1 500 km au nord de Tahiti, bien différencié par son histoire, sa culture, ses traditions, sa langue, son identité.
Les 8 500 habitants répartis sur six îles habitées, correspondent a moins de 4 % de la population de la Polynésie française, pour une superficie dépassant 25 %. Il y a plus de 10 000 Marquisiens résidant à Tahiti.
Archipel catholique à 90 %, c'est une exception dans le Pacifique avec Wallis et Futuna et Guam. 4 % de non-Polynésiens (fonctionnaires et enseignants). L'âge moyen est de 20 ans environ. L'émigration vers Tahiti est constante.

 

Culture
Après la disparition et l'oubli des traditions qui ne pouvaient se transmettre en raison d'une population éparse et moribonde, depuis plus de vingt ans les Marquisiens, sous l'impulsion de leur évêque, Mgr Le Cleac'h, ont repris goût à leur langue, à leur culture et retrouvent leur fierté. La langue marquisienne est habituellement parlée en famille et dans les réunions. C'est la langue liturgique.
Le Marquisien est un sculpteur réputé qui a fait de la cathédrale de Taiohae le chef-d'ouvre de l'époque moderne. La sculpture, la fabrication de tapas et l'artisanat offrent un revenu à beaucoup de familles. Les danses, les chants et tatouages marquisiens sont à la mode à Tahiti.
Des femmes ont toujours eu un rôle public dans les temps anciens, comme chef de vallée, reine, prêtresse célibataire. Elles ont accès aux postes de responsabilité. C'est un cas exceptionnel dans le Pacifique.

 

Une Église qui se construit

Personnel de la mission
Un prêtre diocésain et 4 prêtres religieux (Picpus), 4 sours de Saint-Joseph-de-Cluny, 3 frères (Ploërmel).
Le synode diocésain de 1979 a libéré la parole et donné l'initiative aux fidèles. L'Église est entre leurs mains, elle doit devenir marquisienne, dans l'expression de sa foi, dans ses orientations, dans ses ministres et ses animateurs. Le premier prêtre marquisien a été ordonné en décembre 1995 et deux jeunes de 23 et 26 ans viennent d'entrer au grand séminaire de Tahiti.
Le Tumu Pure
Chaque vallée a son Tumu Pure (chef de prière). Il est le collaborateur privilégié du prêtre qu'il représente d'une façon habituelle dans toute la pastorale. Il est aidé par des auxiliaires dont le nombre varie selon l'importance de la vallée (paroisse). Homme ou femme, indistinctement, père ou mère de famille, vivant modestement de son travail, le Tumu Pure est regardé comme le « chef » de la paroisse. Son rôle est d'autant plus important que le clergé est étranger, les îles Marquises n'ayant qu'un prêtre marquisien.
Le Tumu Pure est choisi par sa paroisse et mandaté par l'évêque pour quatre années renouvelables. Pendant longtemps, le rôle du Tumu Pure était limité au culte et aux sacrements. Son rôle réel est une mission de communion entre les groupes et les activités diverses de la paroisse.
Les Tumu Pure et leurs auxiliaires forment un corps à l'instar du presbyterium : une soixantaine de chrétiens qui se connaissent bien, s'apprécient et s'entraident volontiers. Chaque année, une session de formation est organisée pour eux, d'autant plus nécessaire que l'isolement est très grand.
La liturgie

La liturgie du dimanche est le grand moment de la semaine dans chaque vallée, même si le prêtre est habituellement absent. Elle est le lieu privilégié de l'expression de la foi d'un peuple, mettant en ouvre des composantes de sa culture comme le sens de la fête, le respect du sacré, le désir de participer, la joie du rassemblement, le chant... Elle figure au programme des touristes qui sont heureux de baigner dans une ambiance de prière joyeuse et populaire. Les grandes fêtes de l'année sont marquées par une soirée biblique où les mélodies et rythmes traditionnels revivent et se transmettent. Foi et tradition s'embrassent.

La formation des adultes
Devant la soif et la demande pressante des chrétiens, une formation en marquisien est proposée aux adultes, a travers les groupes « Croissance » où l'on s'engage à participer aux huit week-end et à la session de l'année. Plus de 200 laïcs sur cinq îles différentes sont assidus à cette formation dont un résultat est l'engagement renouvelé dans la vie de l'Église et la société.

Historique

22 juillet 1595
Découverte des îles Marquises par Alvaro de Mendana
1797
William Crook, missionnaire évangéliste, séjourne 2 années sans succès
04 août 1838
Trois missionnaires catholiques (Picpus)débarquent a Vaitahu, (île de Tahuata) après les Hawaïi (1827), les îles Gambier (1834) et Tahiti (1836)
Mai 1842 
Prise de possession de l'archipel par la France
1904
Les lois laïques françaises, sont appliquées, entraînant la confiscation de tous les biens de la mission et la fermeture de toutes les écoles catholiques
24 mai 1924
Réouverture de l'école-internat des Sours de saint-Joseph-de-Cluny à Atuona
1930
La population marquisienne, estimée à 60 000 ou 80 000 habitants à l'arrivée des Européens, a failli disparaître :
2 200 habitants en 1930. L'ouverture de cette école demandée par le gouvernement a enrayé la dépopulation, par la protection et l'éducation.
1960
L'évêque change son siège épiscopal pour venir établir une école-internat de garcons à Taiohae
24 juin 1977
Bénédiction de la cathédrale de Taiohae
1979
Synode diocésain
15 août 1988
Le cardinal Pio Taofinuu de Samoa, un Polynésien, légat du Pape pour le Jubilé des 150 ans de la mission, célèbre la messe solennelle en langue marquisienne
28 juillet 1995
À l'occasion des 400 ans de la découverte des îles Marquises, sur les lieux mêmes, à Vaitahu, remise solennelle par l'évêque à chaque paroisse du livre du Nouveau Testament et des Psaumes édité en langue marquisienne
30 décembre 1995
Ordination à Taiohae de Joseph Taupotini, premier prêtre marquisien
27 janvier 2000
Création de l'Académie marquisienne par le gouvernement de la Polynésie française

 

Synode de l'Océanie en 1998 :
Petites communautés chrétiennes sans prêtres

J'ai le devoir de dire tout d'abord l'immense reconnaissance du peuple marquisien envers l'Église. S'il existe encore un peuple marquisien et une langue marquisienne, les Marquisiens savent qu'ils le doivent en grande partie à l'Église catholique. Cela est vrai aussi pour d'autres régions de l'Océanie.

Évêque aux îles Marquises, à 1 500 km de mon frère évêque le plus proche, je suis habitué a un certain isolement. C'est un autre isolement bien plus sérieux que je veux évoquer : celui de petites communautés catholiques (îles, villages ou régions) qui, en raison de leur situation géographique et du petit nombre de personnes, sont habituées à vivre sans prêtre. Elles peuvent espérer, tout au plus, un bref séjour du prêtre tous les trois ou quatre mois ou peut-être une seule fois dans l'année. Pas de prêtre, pas de sacrifice eucharistique « source et sommet de tout le culte et de toute la vie chrétienne » (CIC 897). Pour ces communautés, cette situation semble normale, il en a toujours été ainsi. Elles pensent, et leurs pasteurs avec elles, qu'on n'y peut rien ou que c'est une particularité de l'Église locale.

Malgré l'absence de prêtre, nombre de ces communautés sont exemplaires par leur foi chrétienne vivante et bien visible, par leur attachement à l'Église et à l'évêque. Des laïcs prennent au sérieux leur mission de baptisés appelés à construire l'Église, Corps du Christ. On reconnaît là l'action du Seigneur qui comble les petits et les démunis. Mais, ces chrétiens se sont habitués à vivre sans prêtre, sans l'Eucharistie. Habitués à s'en passer, ils risquent de ne plus en voir l'importance et le besoin.

Si la vie de foi de ces chrétiens est un exemple sur bien des aspects, surtout n'allons pas faire de ces communautés un modèle pour les régions du monde qui manquent de prêtres. L'anormalité d'une communauté sans prêtre et sans l'Eucharistie ne saurait devenir un modèle. Jamais l'ardeur de la foi des chrétiens et leur dévouement ne pourront compenser l'absence de prêtre dans une communauté. De plus, au lieu d'être un stimulant pour des vocations sacerdotales, l'absence habituelle du prêtre risque fort d'en éteindre le désir et le besoin.

Cette situation, fréquente dans notre région du Pacifique, n'est-elle pas un appel du bout du monde lancé à notre Église ? Appel à notre sollicitude pastorale à l'égard de ces communautés défavorisées ; appel à intensifier nos efforts pour procurer à toutes nos communautés les prêtres dont elles ont besoin ; appel à ne pas nous résigner à une situation de fait, mais à chercher, dans la vérité et l'unité, des chemins de solution ; appel à une plus grande fidélité et à une prière plus pressante au Christ prêtre et pasteur qui veut que tous les hommes soient sauvés.

+ Monseigneur Guy Chevalier
Évêque de Tefenuaenata

 

Evêché
BP 10
98742 TAIOHAE
ILES MARQUISES (Polynésie française)
Tél : 00 689 92 03 52
Fax : 00 689 92 02 88
http://www.relpac.org.fj/taiohae.htm

 

 

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